La Rage - Chapitre 1
Qui sait ce que le stress avait bien pu me faire écrire comme bêtise ? Enfin bref ! J’avais maintenant le soulagement d’avoir le CNB* derrière moi : j’avais deux mois pour me détendre, ainsi que cette soirée pour rigoler !
Les lumières de la fête étaient là, s’éteignant et se rallumant sans cesse. Nos bras se balançaient, tenant parfois un verre ou une bouteille. Mes potes étaient partis danser avec les filles. Mais moi, j’étais bien trop timide pour m’en prendre une, puis fatigué et flemmard peut-être aussi.
En plus, j’ai toujours honte de mon talent de danseur: je n’ai pas du tout le rythme et je ne sais jamais où poser mes pieds si ce n’est sur ceux des autres. Puis surtout, sauter comme des guignols, non merci ! Pas ce soir !
Je m’étais alors assis à une table, seul, à les regarder. Je me demandais comment, en observant Pierrot, on pouvait être aussi énergique à une telle heure du soir. Alors que moi j’étais juste crevé. Il m’avait l’air infatigable et je l’enviais un peu. Il faisait des blagues à deux balles, l’imbécile de service ! Il mettait de l’ambiance avec sa grosse tignasse noire. Je le voyais ici et là et puis là, connu de la plupart.
On l’aimait bien Pierrot, cet éternel indiscret, qui saurait gagner le sourire du plus déprimé. La preuve, rien que le regarder me faisait sourire. Et sourire, ça fait du bien ma parole ! Puis ça trompait aussi l’ennui comme un journal télévisé.
Je me sentais bien bête, n’empêche… d’être là et de ne faire aucun effort. Alors comme je ne savais plus trop comment m’occuper, je regardais d’autres gens que ce sacré clown de Pierrot et je buvais tranquille.
Je me prenais un verre de bière brune puis un autre. Car on était bien en soirée pour ça finalement: boire. Et puis peut-être que je commencerais à être plus à l’aise et aller rigoler un peu avec les autres.
La musique devenait peu à peu du bruit dans mes oreilles. Je voyais des couples se former et se caresser, s’embrasser. Alors, je les regardais encore, sans gêne, passif, sans rien penser, les yeux mi-clos. Juste en train de me rappeler mon célibat qui semblait éternel.
Jusque-là, je n’avais jamais eu de copine. Les filles qui m’intéressaient semblaient une ombre lointaine. Et comme l’amour n’est pas simple, celles qui m’aimaient ne m’intéressaient pas.
Je me demandais si je n’allais pas m’endormir à force de ne rien faire. Alors, un ami cria mon prénom et me fit signe pour que je le rejoigne. J’avais reconnu sa voix rauque bien à lui ! Car cet ami n’était autre que Baptiste alias Baba : mon pote depuis toujours. Même à la maternité, on se connaissait déjà, nos couveuses étant côte à côte.
Lui, il n’avait aucun souci pour sans cesse être en couple. Il semblait être né avec le don de faire craquer les filles. Je me demande ce qu’elles lui trouvaient. Était-ce son apparence de mauvais garçon ? Sa belle musculature ? Il avait des cheveux châtains, légèrement frisés sur le dessus. Le crâne rasé sur les côtés, taillés avec un dégradé parfait.
L’une de ses oreilles était percée de deux boucles au niveau de ses lobes, puis une autre plus grande un peu plus haut, et une dernière au sommet de son oreille. Cela lui donnait du style. J’en déduisais donc que son apparence, avec ses yeux vert émeraude, supplémentés par son charme, devaient être ses atouts de séduction.
Au début, je fis la sourde oreille face à son invitation remplie d’insistance. Puis finalement, je me levai pour le rejoindre. Il y avait avec lui justement une fille et je devinai alors facilement pourquoi il me faisait venir.
J’entendis dans mon oreille « Ce soir elle est à toi ». Sauf que bien évidemment, elle ne m’intéressait pas. Tellement pas, que je n’avais même pas retenu son prénom lorsqu’il me l’avait présenté. Comme un con mon « meilleur » pote me poussa sur elle, avec comme complice un autre ami : Mathis, qui me dit « Alors elle est comment sa poitrine ? ».
Mathis, c’est un fourbe qu’il faut connaître pour savoir l’apprécier. Crâne rasé à cause d’un pari raté, sourire mesquin : Il est le gars qui ment pour mieux jouer. Pendant un bon moment, il faisait chier. Mais je me suis habitué à savoir qui il était et comment me comporter avec lui, de sorte de se partager un bon fou rire.
Sauf que cette fois-ci, c’est avec Baptiste qu’il avait partagé son bon fou rire. Ils m’avaient définitivement gêné avec cette histoire de poitrine, donc je suis parti. Déçus que je prenne aussi mal leurs soi-disantes plaisanteries, ils me rappelaient pour que je revienne, me criant que c’était l’occasion de profiter un peu plus de la soirée. Histoire de « rigoler » un peu. Pas la peine de vous préciser que je ne suis pas revenu.
Je me frayai alors un passage dans la foule et c’est là que je la découvris… que je croisai son regard de Gorgone. Je restai quelques instants comme pétrifié, à la regarder indiscrètement. Elle était belle. Je dû me reprendre à plusieurs fois pour me détacher de son regard: je ne pouvais pas la fixer plus longtemps de cette façon. J’ai donc cherché une table où je pourrais l’oublier et stopper mon imagination qui vivait déjà l’impossible.
C’était la première fois qu’on pouvait dire qu’une fille me tapait à l’œil. Je me suis alors dit que ça devait être l’alcool qui commençait à faire effet. Seulement, je l’avais déjà regardé trop longuement ; de manière trop insistante : elle m’avait vu ! Mon cœur fit un bond dans ma poitrine quand la distance qui nous séparait diminua. Est-ce que je devrais partir ?
Non. J’observais déjà ses jambes, ses cuisses musclées, son collant qui cachait sa peau légèrement brune. Puis mes yeux remontèrent, passant par son appréciable fessier, admirant les courbes de son corps. Sa beauté s’accordait parfaitement à mes goûts. Elle me paraissait irréelle. Je vérifiai que je n’étais point endormi en clignant des yeux. C’est alors que ses lèvres rouges s’entrouvrirent et les miennes de même : comme à la recherche d’une rencontre. Ce fut le moment des présentations. On s’échangea nos prénoms, nos âges, tout ce qui nous permettrait de mieux nous connaître. C’était incroyable comment la discussion semblait fluide. Était-ce l’alcool qui nous mettait aussi à l’aise ?
Elle s’appelait Émir. Elle avait 18 ans et j’en avais de même. Elle faisait de l’athlétisme : ce que son corps ne faisait que confirmer. Je faisais aussi du sport. Elle me plaisait plutôt pas mal avec ses yeux bleu outremer dans lesquels il serait facile de me noyer.
On s’entendait vraiment bien. Elle me parlait de ses différents records, du nombre de kilomètres qu’elle parcourait chaque jour, de son temps d’entraînement, de sa progression rapide. Je ne pouvais que l’écouter de manière captivée malgré la honte que j’éprouvais parfois d’être moins performant qu’elle. On finit par s’échanger nos numéros pour ne pas perdre contact. Je l’aimais bien. Elle m’aimait peut-être bien aussi. Je pense qu’on pouvait dire qu’elle me plaisait, m’attirait.
« Ah ! Tu es là ! J’arrêtais pas de te chercher partout ! » Je fus surpris d’entendre la voix de Baptiste. Il était suivi de Mathis. Pierrot, lui, semblait avoir trouvé sa place ailleurs, faisant maintenant des cabrioles sur une table pour distraire la compagnie. Tout cela en tenant un shoot jouant dangereusement avec la gravité.
J’admets qu’à ce moment-là, ces trois-là s’étaient complètement échappés de ma mémoire. Quand Baba vit Émir, il sourit de contentement en me donnant une tape dans le dos: « Ah bah j’avais peur pour toi bro ! J’ai cru que tu resterais seul toute ta vie. »
Émir eut l’air frustré de sa présence. Cela m’amusa. Elle me prit soudainement la main et me tirant sans me donner mon avis, elle le laissa planter là comme un con. Je lui glissai cependant un regard rapide par-dessus mon épaule et lui me fit un clin d’œil en guise de réponse. Une réponse que je traduisais par un « C’est ta chance ! »
Je n’avais aucune idée d’où elle pouvait m’emmener. Alors je finis par le lui demander : « Tu m’emmènes où ? » Elle m’observa l’affaire de quelques secondes, sembla hésiter mais finalement elle répondit en rigolant : « Aux toilettes. Je n’aime pas y aller toute seule. »
Je détournai ma tête pour éviter qu’elle voit le changement de couleur sur ma figure. J’étais très mal à l’aise parce que… comme un idiot j’avais pensé à aller à l’intérieur des toilettes avec elle. Je ne sais pas ce qui m’était passé par la tête. « Ça ne va pas ? » Me demanda-t-elle inquiète. « Non rien. » Je répondis. « Rien ? » Elle ne me lâchait toujours pas la main alors qu’on venait de franchir la limite des toilettes réservées aux filles !
* Le mot « Bac » a perdu sa signification initiale de Baccalauréat au XXIème siècle. Les étudiants de la 2ième école (élèves de 15 à 18 ans) passent lors de leur dernière année le CNB (Concours National du Baccalauréat) qui déterminera dans quelle 3ième école ils iront selon le nombre de points reçus dans les différentes matières.
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