La Rage - Chapitre 3
Plus d’une semaine s’était écoulée depuis la soirée largement oubliée. On était en vacances et on avait reçu nos fameux résultats du bac. Je ne vous cache pas que j’étais quelque peu déçu de ne pas avoir eu la mention « Excellence ». Les langues ont sans doute baissé ma moyenne.
Mais bon ! Le bac était dans la poche et je m’en foutais bien maintenant.
J’étais chez mon meilleur pote Baptiste, ou du moins celui dont j’étais le plus proche. Il était environ 21h00 et on était tranquille chez lui, libéré de la présence de ses parents qui, comme tous parents, ne semblaient pas avoir encore compris que l’on était majeur.
On était là, sur son lit, adossé contre le mur. Nous avions emmené tout un banquet de malbouffe. Des paquets de chips dans lesquels on plongeait nos mains gourmandes, des pizzas à moitié froides, des sodas et pleins d’autres trucs encore. On venait de terminer une partie d’un jeu vidéo pas très connu qui était plutôt décevant. Ça s’appelait « Future Pride ».
Maintenant, on regardait nos portables, les réseaux sociaux, les stories des gens dont leur vie semblait toujours hyper remplie. Soudainement, Baba se tourna vers moi : « Tu ne t’ennuies pas trop ? »
Je haussai légèrement les épaules en faisant avec mollesse un rictus sur le visage : « Ça va. Mais bon… ». Il comprit bien que je trouvais nos occupations pas très enrichissantes. « Passe-moi ton portable ! » Me disait-il sans délicatesse alors qu’il le saisissait déjà. « Prend le mien. »
Je regardais le sien ennuyé, glissant furtivement mes doigts sur son fil d’actualités. Il y avait pas mal de filles, un peu tous du même style d’ailleurs : même couleur de cheveux, même peau, mêmes yeux. On devinait facilement ses goûts de meufs. Il y avait sinon parfois des photos où elles étaient plus dénudées que d’autres.
« — Dis. Tu ne me parles plus trop de Précillia. Tu l’as quittée ? Lui demandais-je, curieux.
— Ouais, elle était chiante. Trop collante. En l’entendant, j’eus un pincement de cœur pour la pauvre fille.
— Ça n’a pas duré longtemps… Constatai-je.
— T’inquiète. Je suis bg. Les filles, c’est tout ce qu’elles aiment. Du coup, je ne vais pas avoir trop de mal à la remplacer. J’ai déjà Valentine en vue. Elle est canon tu verras ! Me rassura-t-il.
— C’est pas celle avec qui tu étais parti un moment pendant la soirée ? Comment tu fais pour trouver si vite ?
— Tu sais, moi j’essaye. Si on me dit oui, s’il y a une ouverture, j’en profite. En réalité, je ne les aime pas vraiment. Je suis juste intéressé. Si j’attendais d’aimer, je serais comme toi : seul.
Un bref « Ah » fut ma seule réponse.
Je restais pensif. Je basculai sur l’application de messagerie. La plupart de ses discussions étaient en effet avec des filles. Dans chacun des messages, des smileys cœur les décoraient, faisant l’illusion d’un véritable amour.
Si un gars comme lui avait été à ma place, face à la belle fille que j’avais vue à la soirée, aurait-il sauté sur l’occasion pour profiter d’elle ? Est-ce que j’avais été idiot de ne pas m’accorder ce plaisir moi aussi ? J’allais en parler à mon ami lorsque la sonnerie de mon portable retentit.
Il me regarda inquisiteur : « Je réponds ? ». Qui pouvait bien m’appeler maintenant. Ma mère ? Qu’est-ce qu’elle me voulait encore ? Ma mère avait tendance à un peu trop me couver. « Tu peux raccrocher ».
Mais Baptiste – ce con ! – répondit quand même et je grognai après lui. Il me fit comprendre avec des gestes qu’il croyait que je lui avais dit de décrocher. « Mais tu confonds encore raccrocher et décrocher ! » Ripostai-je. Il esquissa un sourire « Attends… »
J’observai de manière critique son comportement et devinai à son attitude qu’il ne pouvait pas s’agir de ma mère.
J’écoutai les bribes de la discussion, essayant de deviner ce que pouvait dire la personne à l’autre bout du fil.
« — Oui c’est bien moi. (Le con se faisait passer pour moi tandis que j’essayais de récupérer le tel.)
— …
— Hein quoi ? Tu es toute seule ? (Je me mordis les lèvres. C’était à une fille et je ne voyais pas du tout qui ça pouvait être hormis ma sœur.)
— …
— Tu ne peux pas aller chez tes parents ou chez un ami ?
— …
— Mais chiale pas. On va venir te chercher si tu veux. Tu es où ?
— …
— Ok. Bon bah on arrive et juste pour te prévenir, je ne suis pas Tommy. Je suis son pote. »
Dès qu’il raccrocha, je m’écriai, affolé: « -Non mais attends ! Ne me dis pas que c’est Émir ? Qu’est-ce qu’elle t’a dit ?
-Oh là ! Te jettes pas comme ça sur moi ! À ce que je vois, elle te plaît plutôt bien. En fait, faut qu’on aille la chercher près de la gare Lazare. Elle ne peut plus payer son loyer et elle n’a nulle part où se loger. Donc, elle me demandait si elle pouvait dormir chez toi. Je lui ai dit oui, bien évidemment. Allez ! Habille-toi ! On y va ! »
J’étais abasourdi. Je n’avais pas du tout envie de la revoir avec ce qui s’était passé la dernière fois, mais le mal était fait. Je ne pouvais pas lui réchapper. J’allais devoir la revoir et il fallait espérer que tout se passe bien. Si on restait tous les trois, tout irait bien.
Elle était là, telle une ombre chinoise, sur le trottoir. Elle attendait, elle m’attendait, entourée de ses bagages.

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